3-2-1, on sieste !

sieste entrepreneur

Pris par le rush du lancement (ou du développement) de leur activité, les entrepreneurs dorment peu. Certains ne prennent même pas le temps de déjeuner. Comment dès lors pourraient-ils envisager de s’arrêter pour faire un somme ?

Dans la société occidentale et, plus particulièrement, dans le monde du travail, la sieste est souvent associée à du temps perdu, voire de la paresse. Pourtant, ses bienfaits sur les performances ont été démontrés scientifiquement : concentration accrue, régulation du rythme cardiaque, anti-stress, augmentation de la productivité et même… prévention du burn-out. Heureusement, sous l’effet des politiques de bien-être au travail, de plus en plus d’entrepreneurs tentent l’expérience de la « sieste au bureau ».

La sieste : un besoin naturel, des représentations culturelles

La sieste est fondamentalement liée à notre rythme biologique. Selon Guy Adant, kinésithérapeute et ergothérapeute, la plupart des mammifères ont un sommeil polycyclique mais, sous les pressions économiques, sociales et les habitudes quotidiennes, le sommeil humain est devenu monophasique : nous agissons le jour et nous nous reposons la nuit. Au cours d’une période de 24h (comprenant un jour et une nuit), la propension au sommeil est maximale durant deux créneaux horaires précis : la nuit, entre 2h et 4h du matin et le jour entre 13h et 15h.  Ce soudain « coup de pompe » survient autant chez les gens en manque de sommeil que chez ceux qui sont bien reposés.

L’observation de ce phénomène physiologique a donné naissance au mot « sieste », siesta en espagnol et sixta en latin, signifiant : « la sixième heure du jour ».

Généralement associées à du temps perdu par la culture occidentale, les activités de repos sont, en revanche, valorisées sur d’autres continents : les cultures asiatique, africaine et centraméricaine reconnaissent les bienfaits de la méditation, de la relaxation et de la sieste. Ces comportements sont également encouragés dans certaines régions d’Europe. C’est le cas en Espagne, où les horaires de bureau laissent aux Espagnols le temps de faire la sieste, pendant les heures les plus chaudes.

Plusieurs études ont démontré le lien entre la sieste et l’augmentation des performances, tant physiques qu’intellectuelles. S’accorder un temps de repos en milieu de journée améliore la mémoire et la concentration, consolide les apprentissages, booste la motivation et la créativité.

La sieste au bureau : un tabou à briser

Qui n’a jamais ressenti une irrésistible envie de faire une sieste au bureau ?

Selon une étude Opinionway, commandée en 2016 par Eve Sleep, designer de matelas, 80% des actifs ressentent de la fatigue pendant leur journée de travail. 57 %, des répondants estiment que la sieste pourrait leur permettre d’être plus productifs et efficaces. Or, seuls 12% des responsables se disent ouvertement favorables à la sieste. Pour la majorité des employeurs, dormir au bureau reste un sujet tabou, synonyme de temps perdu, voire de paresse. Par ailleurs, cette pratique peut-elle convenir aux entrepreneurs, déjà enclins à négliger leur sommeil nocturne ?

Interviewé par LesEchos.fr en 2016, Charles Gourio, cofondateur de Smart Impulse, société de conseil en économie d’énergie, présente la sieste comme solution pour palier la fatigue des horaires décalés : « Nous venons d’installer le matelas dans les locaux, mais ce n’est pas une habitude..Je ne pratique pas la sieste. Mon partenaire est davantage intéressé car il fait beaucoup de déplacements. Nous avons des contraintes d’horaires décalés : cela peut permettre de gérer ce rythme soutenu. » L’entrepreneur reste néanmoins sceptique quant à l’efficacité de cette pratique. De plus, dormir en pleine journée pourrait ternir l’image de l’entreprise, aux yeux des collaborateurs et des clients.

Pourtant, les bienfaits de la sieste au bureau sont nombreux. En juillet 2019, le complément du Soir Références mentionnait une étude de Nature Neuroscience, selon laquelle trente minutes de repos peuvent re booster la productivité des travailleurs. La sieste au travail pourrait même réduire le risque de burn-out : « La première cause d’un burn-out est le stress lié au travail, mais la deuxième est le manque de sommeil. Le repos constitue la meilleure source d’énergie », explique Annelies Smolders, experte en sommeil et auteure de Start to Sleep.

Pratiquer régulièrement la sieste au travail est un « somnicament » aux avantages multiples : en plus de compenser une mauvaise nuit, elle augmente la vigilance, améliore la productivité, détend les muscles et régule le rythme cardiaque, ce qui a pour effet de diminuer le stress.

Entreprendre et faire la sieste : « l’équipe gagnante »

Les pratiques managériales évoluent et le bien-être des employés préoccupe davantage les dirigeants. Un nombre croissant d’entre eux prend conscience qu’installer un espace de repos au travail ou des meubles dédiés à la sieste, serait bénéfique pour l’entreprise. De nombreuses grandes sociétés ont réorienté leur culture d’entreprise en ce sens : chez Google, par exemple, les employés peuvent dormir vingt minutes dans des capsules dédiées à cet effet.

Annelies Smolders partage son enthousiasme pour la sieste au bureau : « J’encourage les siestes partout où je donne des conférences. Si vous pouvez offrir cette opportunité à vos employés, alors faites-le ! » Pour l’experte, une nuit réparatrice suivie d’une micro-sieste au travail augmente la productivité et la créativité. Plus que le nombre d’heures passées derrière un bureau, c’est la qualité du travail qui importe.

Enfin, la sieste est particulièrement (re)constructive pour les entrepreneurs ayant des journées « à rallonge » : pratiquée quotidiennement, elle permet de regagner de 1 à 2 heures de sommeil. Selon une étude du NCBI (Centre national d’information biotechnologique, USA) réalisée en 2006, les bienfaits de la sieste de 10 minutes (amélioration des capacités cognitives, regain d’énergie, accroissement de la vigilance) perdurent jusqu’à deux heures et demie après le réveil. Pratiquée régulièrement, elle contribuerait à diminuer les risques de maladie cardiovasculaire.

Alors, contre la fatigue au travail et sans aucun scrupule, faites la sieste !

Valérie Decruyenaere
Chargée du projet 7 Jours Santé

3 clés essentielles pour une sieste efficace

Pour que la sieste soit récupératrice et ré-énergisante, certaines conditions doivent être réunies.

  • Faire la sieste en début d’après-midi, entre 13h et 15h.
  • Ne pas dépasser 30 minutes de sieste. Au-delà, vous risquez d’entrer dans une phase de sommeil profond, ce qui, au réveil, provoquera ce qu’on appelle une  » inertie du sommeil « , état confusionnel, caractérisé par une altération de la vigilance lors de la transition sommeil-éveil.

Le respect de ces deux conditions préserve la qualité et la quantité de votre sommeil nocturne.

  • Choisir un endroit calme et confortable facilitera l’endormissement et garantira la qualité de votre sieste.

La power-nap ou sieste cuillère

Particulièrement adaptée au train de vie de l’entrepreneur, la power-nap ou « sieste-cuillère » a pour effet de restaurer la vigilance et de compenser une dette de sommeil occasionnel.

  • S’isoler et s’asseoir confortablement en laissant les bras pendre sur le côté.
  • Tenir dans une main une petite cuillère ou tout autre objet métallique. Si le sol est composé de moquette ou d’un tapis, y poser un plateau.
  • Fermer les yeux et respirer profondément.
  • Se laisser emporter par le sommeil en toute confiance.
  • Lorsque vos muscles sont totalement relâchés, la cuillère tombe et le tintement de sa chute vous réveille.