La confiance en soi : une question de sens et de plaisir au travail

Virginie Lambert - Vivement Lundi !

La confiance en soi est un atout essentiel pour l’entrepreneur. En période de crise, comment la préserver et la renforcer ? Pour Virginie Lambert, coach professionnel, la confiance en soi est étroitement liée à la question du sens et du plaisir au travail.

Virginie Lambert a accompagné pendant 20 ans l’émergence de projets, au sein d’organisations. Après diverses formations dont une formation en coaching professionnel à Paris, elle crée Vivement Lundi !, afin d’aider les personnes à « construire une vie professionnelle qui leur ressemble ». Parmi les « coachés », des indépendants et dirigeants de TPE…

Questionner le sens de son projet

Qui sont les entrepreneurs que tu accompagnes ?

En cours d’accompagnement, certains clients découvrent qu’ils ont envie de créer leur propre activité. Je les accompagne jusqu’à la formulation de leur projet, ce qui leur permettra de se déployer ensuite. Pour cette deuxième étape, je les oriente vers des organismes tels que le Credal, JobYourself, l’EFP… dont les outils sont plus spécifiques à la création d’entreprise.

Accompagnes-tu aussi des entrepreneurs en « post-création » ?

Oui, j’accompagne aussi des entrepreneurs actifs depuis quelques années, qui ont besoin de questionner le sens de leur projet, leur rôle au sein de leur entreprise ou leur rapport au travail, ce qui est fondamental : lorsqu’un entrepreneur n’a pas eu ce temps de clarification, il se peut qu’il réalise, quelques années plus tard, qu’il a dévié par rapport à son projet de cœur.

Qu’est-ce qui les a écartés de leur projet initial ?

En général, ce sont des indépendants qui se rendent compte qu’ils ne sont plus dans leurs talents. Ils ont créé une activité à partir de leur cœur. Puis, l’entreprise s’est développée et ils ont été amenés à déléguer ce qu’ils faisaient avec plaisir. Beaucoup de gens aiment impulser, créer, réseauter, innover… Mais une fois que le projet prend de l’ampleur, ils se retrouvent dans des fonctions de gestion financière ou de management et cela les ennuie. Le risque est alors de s’y épuiser.

Que leur proposes-tu ?

En tant que coach, ce sont des aspects que je vais pointer : comment retrouver des occasions et des synergies qui stimulent ma créativité ? Comment transformer ou déléguer les tâches que je ne réalise pas avec plaisir ? Je les invite à s’appuyer le plus possible sur les compétences et talents qui sont sources de plaisir et de satisfaction. Ce sont eux qui permettront à chacun de se réénergiser et de ne pas s’épuiser au travail.

Trouver une caisse de résonnance

Dans ce qui est partagé, ressens-tu parfois le poids de l’isolement ?

Certains indépendants souhaitent être accompagnés parce qu’ils vivent une forme de solitude, qu’ils soient ou non à la tête d’une équipe. Ils ont besoin d’une caisse de résonnance, d’une personne qui les aide à voir clair et avec qui ils peuvent parler de manière authentique, sans enjeu hiérarchique. Ils viennent pour déposer leurs questionnements, développer une vision de leur entreprise, sentir comment ils vont faire face aux éventuelles difficultés financières ou de management.

Et ceux qui n’ont pas (encore) d’équipe ?

Chez les indépendants travaillant seuls, je perçois davantage ce besoin d’un dialogue avec quelqu’un qui les écoute sans jugement et qui les soutient dans ce qui fait sens pour eux. Je reçois aussi des indépendants en burn out ou à la limite du burn out.

En tant que coach quel est ton angle d’approche ?

Je prends en en compte toutes les dimensions de la personne, y compris personnelles. Quand on n’a pas l’occasion de développer ses talents professionnellement, on le fait « à côté ». Je vais donc amener la personne à évoquer toute cette partie d’elle-même qu’elle développe ailleurs, afin que son futur projet professionnel rassemble toutes les facettes qui lui tiennent à cœur. En maintenant bien évidemment les compétences qu’elle utilise avec bonheur dans sa vie professionnelle.

Confiance en soi, en temps de crise

Que perçois-tu de l’impact de la crise sur la santé des entrepreneurs ?

Anxiété, troubles du sommeil, fatigue mentale liée aux écrans. L’incertitude amène beaucoup de stress, de surcharge. Pour certains secteurs, notamment ceux qui travaillent dans la formation et l’accompagnement de groupes, le revenu a été fortement fragilisé, voire réduit à néant…

Comment les personnes coachées se sont-elles adaptées au « tout numérique » ?

Certaines apprécient d’être face à un écran, malgré la fatigue physique que cela engendre (mal de dos et/ou de nuque). En revanche, celles qui accordent de l’importance à la présence physique et à l’interaction non-verbale, ne le trouvent évidemment pas en virtuel. Dans le cas des formateurs, par exemple, animer un atelier ou une réunion sur Zoom ne permet pas de vraiment sentir l’énergie d’un groupe. Certains tiennent le coup parce qu’ils n’ont pas le choix et ont à cœur de maintenir leurs ateliers. Mais malgré tout, il peut y avoir une perte de sens.

Selon toi, la perte de confiance en soi est-elle liée à la crise actuelle ?

Pas forcément. La crise incite certains entrepreneurs à prendre moins de risques, notamment financiers. Mais je crois que c’est plutôt un niveau de confiance global qui est impacté : une perte de confiance en l’évolution de la société, engendré par le manque de perspectives.

La variation du chiffre d’affaires influence-elle la confiance en soi ?

Surtout pour les personnes ayant un « terrain » plus fragile en termes de confiance en soi. Tant que le CA est positif, on peut consolider cette confiance. Mais en cas de forte diminution, la personne aura tendance à le prendre personnellement, à ne pas se sentir à la hauteur, si elle n’atteint pas ses objectifs… L’enjeu est alors de rétablir une confiance en soi liée à soi-même et non au contexte.

Tisser un fil rouge intérieur

Selon toi, quelle est la cause première d’une perte de confiance ?

La confiance en soi est souvent un enjeu essentiel pour les personnes que j’accompagne. Ce que je perçois, c’est que le manque de confiance en soi est latent. Il se construit à travers l’histoire de la personne. Explorer son histoire personnelle peut aider à comprendre où se loge une image négative de soi.

Comment, concrètement ?

Dans certaines histoires familiales, par exemple, la position de l’indépendant est extrêmement valorisée. Être indépendant est vu comme la seule manière valable d’exercer sa profession. Dans ce cas, la personne a tendance à aller spontanément vers des projets d’indépendant. Alors que, par ses capacités et le type d’environnement qu’elle apprécie, elle serait peut-être mieux dans un contrat de salarié.

Ça marche aussi dans l’autre sens ?

Oui. Dans d’autres familles, les indépendants ont fait faillite : ils ont pris des risques, ont mis en péril leurs proches etc. Il sera alors très difficile d’accéder au statut d’indépendant. Ou encore, dans les familles où, par besoin de sécurité, tout le monde est fonctionnaire, il faudra énormément de courage pour oser sortir du bois et créer son activité. Les périodes de crise fragiliseront probablement les personnes ayant peu (voire pas) de soutien familial.

Quand une personne s’est engagée dans une voie qui ne lui correspond pas, comment l’aides-tu à trouver sa juste place ?

Il s’agit, d’une part, de se reconnecter à tout ce qui est bon et qui a permis d’émerger dans son passé : enfant, ado, adulte, quels ont été mes rêves, mes espoirs ? Qu’est-ce qui m’animait et que je faisais avec plaisir ? D’autre part, je travaille sur les croyances limitantes, les dictats et attentes familiales. Par exemple, des parents n’ont pas eu accès à des études universitaires et rêvent de cela pour leurs enfants, qui s’y sentent alors obligés. Je ne fais pas de psychothérapie. Mais lever le voile permet de retrouver davantage de liberté et de faire des choix plus conscients.

Quels aspects du passé servent à (re)construire, aujourd’hui et demain ?

Nous explorons aussi bien les compétences, les expériences professionnelles, les valeurs, les aspirations, les sphères d’intérêts, … Tous ces aspects vont contribuer à tisser un fil rouge intérieur, qui guidera la personne vers sa « juste place ».

5 clés pour nourrir la confiance en soi

Que conseillerais-tu aux entrepreneurs pour nourrir leur confiance en eux ?

Le mot « conseil » est toujours un peu tabou pour les coachs, car il est vraiment déconseillé de conseiller. Mais je peux cependant donner quelques balises.

  • NE VOUS COMPAREZ PAS : pour la confiance en soi, c’est essentiel. Notamment, restez vigilant vis-à-vis des réseaux sociaux. Une indépendante m’a un jour confié « Quand je ne vais pas bien, je passe parfois des heures sur Instagram à regarder les propositions d’autres personnes et cela me mine parce que j’ai l’impression de ne jamais être à la hauteur. » Si vous êtes en période de fragilité, évitez les réseaux sociaux et autres sources de comparaison.
  • AYEZ DES RELATIONS VITALISANTES : fréquentez des personnes avec qui vous pouvez échanger en toute authenticité et qui vous stimulent dans ce que vous aspirez à déployer. Maintenez des relations qui vous aident à développer une vision positive, à aller chercher vos ressources.
  • PROTÉGEZ LES JEUNES POUSSES : prenez soin de ce qui est en train d’émerger. Choisissez à qui vous partagez vos nouveaux projets. Une jeune pousse, si on la laisse au plein milieu d’une pelouse fréquentée par n’importe qui, sera forcément piétinée. Offrez-lui de bonnes conditions pour qu’elle se renforce avant de se dévoiler.
  • APPUYEZ-VOUS SUR LES CROYANCES POSITIVES QUI ÉLÈVENT  : Choisissez de voir le positif et éloignez-vous des croyances négatives qui tirent vers le bas. Ce qui ne veut pas dire s’aveugler par rapport à ce qui ne va pas » mais voir aussi le positif et le nourrir.
  • CHERCHEZ VOS COMPÉTENCES DANS DES FAITS RÉELS : souvenez-vous de « ce qui a marché » dans votre parcours, mais aussi de votre part de responsabilité dans cette réussite. Ce sont vos réalisations, qui peuvent même être toute petites : une conversation convaincante avec un partenaire, un client, une présentation publique…

 

Valérie Decruyenaere, Chargée du projet 7 Jours Santé
D’après l’interview de Virginie Lambert, coach professionnel et créatrice de Vivement Lundi !